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Droits culturels : une philosophie à réfléchir

pauvretecc81-richesse-culturelleFormatrice dans le champ de l'éducation permanente depuis longtemps, j'ai abordé les droits culturels dans le cadre de mes contacts avec des acteurs de terrain, autour du dossier largement diffusé « Centres culturels et territoires d'actions », une commande de la DG Culture. Des focus groupes rassemblant des acteurs culturels ont été constitués pour réfléchir le rapport entre Culture et territoires ; ensuite des rencontres locales ont eu lieu. Je retiens de tout ce processus quelques éléments de réflexion amenés par les uns et les autres.

Pour les acteurs culturels réunis en focus groupes, chaque citoyen a le droit d'accéder à ce que les cultures ont produit d'universel, d'accéder aux multiples filiations symboliques, en particulier les siennes. Les droits culturels ont donc à s'ancrer dans les libertés humaines fondamentales, notamment la liberté de conscience, la liberté d'expression. Cela induit, pour la puissance publique et pour les acteurs culturels, l'obligation de protéger les dissidences menacées, celles qui résistent aux codes culturels dominants et aux dogmes sacrés, dans la mesure où ces dissidences respectent les valeurs démocratiques.

En termes de démarches constructives, les droits culturels, s'ils épousent cette philosophie, invitent à développer les approches transculturelles. En explorant, dans le monde, les écrivains, poètes, urbanistes, architectes, sculpteurs, philosophes, cinéastes, peintres, photographes, dramaturges, figures historiques, inventeurs... nous découvrons du même coup comment, dans la diversité, l'art, la parole et l'innovation dénoncent les codes, refusent les soumissions, dévoilent l'imposture des pouvoirs arbitraires.

Des vigilances à mettre en place

Confrontés aux réalités du terrain, les acteurs culturels rencontrés soulignent néanmoins la nécessité d'une vigilance pour bien défendre des perspectives porteuses. Car malheureusement, l'appellation « droits culturels » est aussi utilisée abusivement, dans beaucoup de lieux sur cette planète, pour écraser les droits personnels. Au nom de l'affirmation « C'est notre culture, donc c'est notre droit », on menace la liberté de conscience ou l'orientation sexuelle, on justifie les violences et mutilations faites aux femmes, on criminalise l'impertinence à l'égard du religieux, on défend une vision du monde où la femme n'est pas l'égale de l'homme.

Une séquence idéologique « primaire », contraire au droit démocratique, s'impose en maints endroits, établissant une connexion non fondée certes, mais agissante, entre droits culturels = droits naturels = droits surnaturels, une trilogie en quelque sorte qui se veut au-dessus des lois démocratiques.

La séquence pourrait se résumer ainsi : « Nous défendons culturellement ce qui correspond à l'ordre naturel et que Dieu veut. » En conséquence, les « droits culturels », au départ une appellation positive, risquent le cas échéant de se trouver embarqués dans une séquence dangereuse. Ainsi concernant l'homosexualité, on retrouve cette séquence, qu'il s'agisse de l'Église orthodoxe en Russie, du Tea Party aux États-Unis ou du discours des opposants au mariage pour tous en France. Vigilance donc.

L'urgence des droits sociaux

Les acteurs de terrain ont aussi considéré que parler de droits culturels peut trouver sa pleine signification si on les relie étroitement aux droits sociaux collectifs, lesquels sont aujourd'hui à défendre et à renforcer : le droit au logement, au revenu, à l'éducation, à la rencontre et à l'expression, à tous les savoirs qui émancipent.

Personne n'ignore en effet que nous sommes dans une globalisation ultralibérale qui, pour faire bref, rend esclaves les travailleurs du Sud et réduit au chômage massif les travailleurs du Nord. Dans un tel contexte, l'accès à une vie digne et juste est un enjeu central, vital. Beaucoup de mouvements chez nous, qui travaillent autour de la précarité et de la pauvreté, souhaitent une articulation forte avec les Centres culturels ainsi qu'avec les associations socioculturelles ou d'éducation permanente.

Or une telle articulation, aujourd'hui en construction, reste à renforcer, malgré le travail des associations investies sur les questions de dignité et de justice. Au-delà des droits culturels, ce sont donc les luttes collectives autour d'une justice sociale que l'action culturelle doit pouvoir en priorité promouvoir. Éviter que les formes actuelles d'engagement pour les droits sociaux ne soient reléguées au second plan.

En guise de conclusion provisoire

Les propos tenus à différents endroits positionnent les droits culturels dans une configuration démocratique large, en lien avec les urgences sociales d'aujourd'hui, ici et ailleurs. À travers ces propos glanés (que l'on peut retrouver en grande partie dans le dossier « Centres culturels et territoires d'actions »), nous sommes aussi renvoyés aux filiations qui sont les nôtres en Fédération Wallonie-Bruxelles, à savoir le lien de l'action culturelle avec les mouvements sociaux ainsi que la prise en compte de l'associatif de façon structurelle et permanente par l'État.

C'est là notre singularité (par rapport à la France, par exemple), le fruit de notre Histoire marquée par des courants politiques progressistes, une Histoire défendant l'importance de la pensée critique, les exigences de la démocratisation de la culture, de la démocratie culturelle ainsi que le recours à l'éducation permanente. Une singularité à laquelle être fidèles...

Par Majo Hansotte
Publié dans le magazine Agir Par la Culture n°35
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